Quelle ne fut pas ma surprise ce matin, lorsqu’en ouvrant mes volets, je découvris, sur les toitures et les trottoirs, une fine couche de neige ! Car je n’avais ni vu ni entendu les prévisions météorologiques de la veille. Sans doute erronées, comme on me le confirma plus tard dans la journée.
La première image qui me vint instantanément à l’esprit fut celle d’un gâteau saupoudré de sucre glace. Ne me demandez pas pourquoi. Probablement parce que suis gourmand. A l’étonnement succéda le contentement. Car j’aime la neige. Elle est pour moi un cadeau du ciel. Comme, encore enfant, je croyais que l’étaient mes cadeaux de Noël, dans leurs écrins chamarrés.
C’est sans doute pourquoi revinrent à ma mémoire divers souvenirs d’hivers enneigés, datant de mon d’enfance : boules et bonhommes de neige bien sûr, glissades en tous genres sur des luges de fortune, bonnets et gants de laine tout mouillés, parties de hockey sur glace improvisées, en compagnie de mon voisin, dans l’allée bordant la maison de ses parents. Et la douce chaleur du foyer succédant à la fraîcheur de l’extérieur.
Ma journée commençait bien. Les désagréments et les rabat-joie, on verrait ça plus tard. Pour l’instant, je ressentais seulement l’impérieux besoin de partager ce petit moment de bonheur avec quelqu’un. Et comme je n’avais personne sous la main, je me mis tout simplement à écrire. Ce que vous êtes en train de lire.
Il y a des « images publiques » que l’on ne peut oublier et qui resteront à jamais gravées dans nos esprits.
Certaines, tragiques et dramatiques, génératrices de peur, d’angoisse ou de souffrance, comme celles de :
deux énormes champignons s’élevant au-dessus d’Hiroshima et de Nagasaki
deux lourds avions percutant et rentrant, « comme dans du beurre », dans deux géantes tours jumelles à New York
la tête de Kennedy explosant à l’arrière de sa limousine découverte à Dallas
ces bombes au napalm au Vietnam, incendiaires et délétères
ces survivant(e)s décharné(e)s sortant, tel(le)s des zombies, des camps de concentration ou d’extermination nazis, où qu’il soient…
Celles-là sont des images de mort et de violence.
D’autres, heureusement, sont plus réconfortantes ou porteuses d’espoir. Il en va ainsi de celles :
d’un homme-fourmi qui, à lui seul, arrête une colonne de chars blindés à Pékin
de tous ces inconnus venus participer à la destruction du mur de Berlin et emporter quelques gravats, en souvenir de ce moment unique et historique ; de Rostropovich jouant de son violoncelle
de la libération et du discours de Nelson Mandela au Cap
ou bien de celui de Martin Luther King à Washington (« I have a dream »)
de la très récente et imposante « marche républicaine » à Paris et dans la France entière
Celles-ci sont des images de vie et de paix.
Mais il y a aussi ces « images privées », heureuses ou malheureuses, tout aussi présentes dans notre mémoire, tant elles nous ont également marqué(e)s ou frappé(e)s. Bien entendu, par pudeur ou par discrétion, je vous en ferai grâce, ou plutôt n’en citerai qu’une, si commune : celle de la naissance de mes enfants.
Mais aussi d’images et d’imaginaire. De souvenirs et de vécu. Et de bien d’autres choses encore, qu’il serait trop long d’énumérer ici ; puisque les billets se veulent courts.
Tous les matins, lorsqu’à peine levé j’ouvre mes volets, mon regard vient se poser en contrebas sur la salle de classe d’une école primaire. Au-delà, je peux même apercevoir la cour de récréation, où les enfants viennent s’ébattre à heure fixe.
Souvenirs de mon passé (d’élève) et promesses d’avenir (c’est la relève).
Aujourd’hui, un petit garçon aux cheveux blonds coupés ras, assis le nez en l’air à une table orientée vers ma fenêtre, m’a fait un aimable signe de la main. Après une brève hésitation (le temps de réaliser que ce geste m’était bien destiné) je lui ai répondu de la même façon, en souriant. Puis, satisfait, j’ai tiré le rideau. Il faisait beau. Ma journée commençait bien.
De la penderie émane encore la douloureuse odeur de ton parfum.
Sa fragrance entêtante
Petit à petit
S’amenuisera puis s’envolera
Dans l’air du temps.
Il ne restera plus alors aucune trace de ton passage.
Sauf les faibles effluves du souvenir.
Passants, familles, foules, errant dans la ville ou sur la jetée (balnéaires), à la recherche d’une glace, d’un souvenir à acheter, ou d’un amour de vacances.
Parfois, ils nous entrainent au fin fond des amers et sombres abysses, comme tirés irrémédiablement par un lourd et pesant boulet de métal, qui déchire et désarticule notre cheville. Parfois au contraire, ils sont comme un jeu de légers ballons multicolores qui, nous prenant doucement par le poignet, nous élèvent vers le ciel.