Je pense à ces mannequins en herbe, victimes de la mode et prisonnières de leur maigreur, qui – trop dociles parce que souvent très jeunes – exécutent tout ce qu’on leur impose pour « donner l’exemple » aux foules. Quittes à frôler la mort, voire y laisser la vie. Serait-il aussi risqué d’être mannequin que pilote de formule un ?
Je veux bien mourir si c’est en écrivant, en faisant l’amour, ou pendant mon sommeil. Hormis cela, je reconnais que la mort m’effraie un peu. Mais beaucoup moins que la souffrance.
[Vous me direz : « tout cela n’est pas très gai ». Je vous répondrai : « c’est la vie ! »]
Je voudrais pas crever / Boris Vian ; Jean-Louis Trintignant.
Mon panthéon personnel : Baudelaire, Verlaine, et Rimbaud bien sûr !
Surtout quand je (re)lis ceci :
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
C’est un deuil. Une mort sans décès. Quoique, dans les cas extrêmes, elle peut être fatale. Mais, en règle générale, on y survit – ou plutôt on « vit avec ».
A l’inverse (ou par la suite), elle peut générer un authentique et bénéfique soulagement.
Hommage « posthume » à Kara la Rebelle, qui se reconnaîtra, si un beau jour elle passe par là. Ce qui est peu probable.
Et à Isabelle Manson Bittard qui, apparemment, s’est reconnue. 😉
Elle soigne nos maux par des mots.
Elle prodigue des soins, et fait parfois office de médecin, quand celui-ci, surchargé de son côté, est obligé de déléguer. Elle prend donc des risques, puisque tout cela n’est pas très déontologique.
Elle est rassurante et bienveillante.
Elle est attentionnée, à l’écoute de ses patients, sait faire preuve d’empathie et d’abnégation.
Elle part tôt le matin et rentre l’après-midi, fatiguée. Ou bien part l’après-midi et rentre tard le soir, épuisée. Parfois aussi, elle travaille la nuit.
Elle côtoie la mort tous les jours.
Elle est courageuse et forte.
Elle exerce un métier difficile mais se sent utile.
C’est sa raison d’être.
Avertissement : ce clip a été sponsorisé par les plus grandes marques et opérateurs de téléphonie. 😀
« Des regrets mais pas de remords » me dit-elle, juste avant de partir. C’était quand déjà ? Il n’y pas si longtemps que ça. Un amour qui s’en va, c’est un peu comme une « petite mort ». Un trépas ? Paradoxalement, cette locution désigne aussi l’acte d’amour et l’orgasme qui s’ensuit. La mort après l’amour. Un évanouissement avant une renaissance. On la relie également au « grand frisson ». C’est peut-être pour ça que j’ai froid en écrivant cela.
Il y a des « images publiques » que l’on ne peut oublier et qui resteront à jamais gravées dans nos esprits.
Certaines, tragiques et dramatiques, génératrices de peur, d’angoisse ou de souffrance, comme celles de :
deux énormes champignons s’élevant au-dessus d’Hiroshima et de Nagasaki
deux lourds avions percutant et rentrant, « comme dans du beurre », dans deux géantes tours jumelles à New York
la tête de Kennedy explosant à l’arrière de sa limousine découverte à Dallas
ces bombes au napalm au Vietnam, incendiaires et délétères
ces survivant(e)s décharné(e)s sortant, tel(le)s des zombies, des camps de concentration ou d’extermination nazis, où qu’il soient…
Celles-là sont des images de mort et de violence.
D’autres, heureusement, sont plus réconfortantes ou porteuses d’espoir. Il en va ainsi de celles :
d’un homme-fourmi qui, à lui seul, arrête une colonne de chars blindés à Pékin
de tous ces inconnus venus participer à la destruction du mur de Berlin et emporter quelques gravats, en souvenir de ce moment unique et historique ; de Rostropovich jouant de son violoncelle
de la libération et du discours de Nelson Mandela au Cap
ou bien de celui de Martin Luther King à Washington (« I have a dream »)
de la très récente et imposante « marche républicaine » à Paris et dans la France entière
Celles-ci sont des images de vie et de paix.
Mais il y a aussi ces « images privées », heureuses ou malheureuses, tout aussi présentes dans notre mémoire, tant elles nous ont également marqué(e)s ou frappé(e)s. Bien entendu, par pudeur ou par discrétion, je vous en ferai grâce, ou plutôt n’en citerai qu’une, si commune : celle de la naissance de mes enfants.
L’année 2014 fut pour moi une année noire. Comme le fut 1994. Vingt ans d’écart. Comment expliquez-vous cela ? Je redoute d’avance l’année 2034. Mais serai-je encore en vie ? Sera-t-elle l’année de ma mort ? Qui sait ?
La mort peut survenir à tout moment. Parfois quand on ne s’y attend pas. C’est pourquoi il faut tenter de savourer chaque jour, chaque instant qui nous est donné. Ne pas passer à côté de l’essentiel. Apprendre à vivre en paix avec les autres, en étant en paix avec soi-même. S’aimer pour aimer.
Il n’y a pas d’âge pour se dire « je vais vivre pleinement ma vie », ou « maintenant je ne vais prendre que le meilleur », ou bien, tout simplement : « carpe diem ». Il faut cependant reconnaître que nous avons la fâcheuse tendance à nous dire cela sur le tard – avant qu’il ne soit trop tard – « l’espérance de vie » s’amenuisant avec chaque jour qui passe, et poussés que nous sommes par la crainte d’avoir gâché notre vie. Ou encore, parce que la maladie survient, et avec elle la peur de la mort.