– « Elle m’a jeté comme un Kleenex. »
– « Que veux-tu que je te dise, mon vieux ? C’est comme ça maintenant : on prend, on jette. Les gens comme les objets. Sans doute une influence – une extension – de la société de consommation. »
– « Ouais, c’est bien joli tes belles théories et tes beaux discours, mon ami, mais qu’est-ce que je vais faire sans elle, moi, maintenant ? »
– « Concrètement ? Tu vas commencer par t’acheter une boîte de Kleenex. Et après on verra… »
Comment te dire adieu / Françoise Hardy, Serge Gainsbourg.
« Science commerciale » qui avec son adjuvant « communication » ne sert très souvent qu’à nous vendre du vent (objets inutiles et très vite encombrants).
[Vous l’aurez compris, je ne suis pas un fervent adepte de la société de consommation à tout va].
On peut posséder un objet. Jamais un être humain. Il faut se résoudre à cette idée ; savoir vaincre son instinct ; avoir conscience qu’à tout moment un individu peut revendiquer sa liberté. Ce fut le cas pour les esclaves. Cela vaut également dans toute relation amoureuse
Lors d’un court séjour, dans une petite ville située non loin de la mer, je m’étais offert une petite bague de peu de valeur, trouvée par hasard sur l’étal d’un marché de rue. Sur l’anneau de ce colifichet – tout à fait ordinaire et très peu onéreux – était fixé un « smiley » verni légèrement convexe, représentant en quelques traits noirs, un visage souriant sur un fond dont la couleur et le brillant rappelaient ceux de la nacre. C’est d’ailleurs cet aspect qui me poussa à franchir le pas. J’étais accompagné, lors de cet achat, d’une assez jolie jeune femme, qu’apparemment je ne laissais pas indifférente. La réciproque étant également vraie. Nous avions un point commun : le goût et l’envie de rire. Ce dont nous ne nous privions pas lorsque nous étions de sortie ensemble !
Quelque temps après – à force de se coincer dans la poche étroite de mon jean, lorsque j’y glissais la main – le « smiley », très mal soudé sur l’anneau de piètre qualité, est tombé. Je croyais l’avoir perdu et me sentais assez contrarié, car je ressentais une sorte d’affection pour ce tout petit objet. L’ayant vainement cherché, et le croyant définitivement perdu, je finis néanmoins par le retrouver par hasard. Je ne sais plus où ni comment.
Mais je compris par la suite que l’intérêt et que je portais à cet objet, ainsi que l’attraction qu’il suscitait en moi, ne venait pas du bijou en soi, mais plutôt de la personne qui m’accompagnait. Preuve en est que, n’ayant jamais pu recoller le « smiley », je gardais cependant l’anneau à mon doigt, qui (coïncidence troublante) se trouvait être mon annulaire. Devais-je voir dans tout cela un symbole favorable ou un funeste présage ? Un bijou brisé ou bien un lien sacré ? Cela, l’histoire ne le dit pas.
Des cartons moites, contenant des vêtements de bébé, puis d’enfant. Des jouets en tous genres et en pagaille. Tout un bric-à-brac. Objets soigneusement rangés, ou bien posés en vrac. Des boîtes à chaussures et des emballages. Identifiés par deux écritures féminines différentes : l’une assez ronde, très lisible, presque nerveuse ; l’autre, belle et élégante, plus récente. Instantanément reconnues.
Vous l’aurez peut-être compris : je trie et élimine certains résidus de mon existence. Autrement dit : je vide ma cave !
Ce faisant, certains épisodes de ma vie défilent devant mes yeux. Cela signifie-t-il que je suis en train de mourir (comme on a coutume de le dire) ? Ou bien fais-je cela pour mieux renaître ?
Ce sont souvent les plus petits objets, qui nous ont été offerts en cadeaux par un être aimé, auxquels nous attachons le plus d’importance longtemps même après les ruptures amoureuses. Une montre, un briquet, un stylo-bille 4 couleurs, un porte-clés, un couteau suisse, ont plus de valeur à nos yeux que le plus beau et le plus cher de tous les présents. Ils possèdent cette « âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ».